22/05/2014

Rencontres. A la découverte de deux artistes béninois


Les toiles de Dominique Zinkpè dans son atelier de Cotonou.

Dominique Zinkpè.
Photo Mathilde Arnold.
Dominique Zinkpé, le sage. Tête de file des artistes contemporains au Bénin, Dominique Zinkpé (46 ans) est un autodidacte à la renommée internationale : invité des Biennales de Dakar, Sao Paulo et Berlin, il est un des hôtes de marque réguliers de la galerie Vallois (Paris, 6e). Il peint des œuvres fortes inspirées des rites vaudous. Ses personnages, mi-hommes mi-bêtes, à la musculature puissante et aux poses exaltées - entre lutte et danse - véhiculent une grande africanité et une sensibilité écorchée vive. Elles m’évoquent l’oeuvre torturée d’un Francis Bacon, l’explosion de couleurs en plus. « Je suis encore dans la force de l’âge et mets à profit mon énergie pour peindre de très grandes toiles en utilisant beaucoup de couleurs. En vieillissant, sans doute reviendrai-je à plus d’épure » explique t-il. Homme généreux, Zinkpè soutient la jeune scène artistique en ouvrant son atelier aux talents en devenir et les aidant à exposer au Bénin – au sein de sa fondation Unik d’Abomey, notamment  -  comme à l’étranger. Il réalise également de superbes sculptures et totems en bois et met en scène des installations et performances invitant à la méditation.


Les coiffes imaginaires de Marius Dansou, dans son atelier de Cotonou. Photo Mathilde Arnold.
Marius Dansou.
Photo Caroline de La Porte.
Marius Dansou, l’héritier. Un an durant, le sculpteur Marius Dansou (30 ans) a fréquenté l’atelier de Dominique Zinkpè à Cotonou. « Sa folie m’a influencé et c’est un peu grâce à lui que j’ai décidé de concevoir de très grandes œuvres » souligne t-il. Marius commence par sculpter le bois d’anciennes pirogues ramassé sur la plage. Les formes qu’il crée font revivre les visages des pêcheurs, à qui appartenaient ces bâteaux, comme pour perpétuer leur mémoire. Puis, il travaille le métal en concevant des masques abstraits, hier, et aujourd’hui, des têtes ornées de coiffes africaines revisitées. Sans relâche, il tord et soude des fers à béton sensés représenter des coiffures tressées. Un travail de force et une célébration «  de la beauté des femmes » d'une grande créativité.  Marius Dansou expose lui aussi à Dakar cette année ainsi qu’à la galerie Vallois, en septembre prochain. A Cotonou, il a participé en 2013 à la création de l’association Un Espace pour la culture qui promeut les jeunes artistes béninois, dans le quartier de Fidjrossé. Une façon de passer le relais pour donner leur chance à d’autres jeunes.

- Galerie Vallois. 36, rue de Seine, Paris 6e. Net. www.galerie-vallois.com ;
Un Espace pour la culture, L'Amsterdam Bar, quartier de Fidjrossè, Cotonou (Bénin). 

07/05/2014

Cinéma. Un homme et une femme au Kurdistan

Golshifteh Farahani et Korkmaz Arslan, les deux héros de My sweet pepper land. 


Le corps de l’homme balance au bout d’une corde. Mais ses bourreaux ont du s'y reprendre à deux fois avant de parvenir à le pendre. Dès la  première scène, My sweet pepper land oscille entre l'absolue tragédie et le comique le plus absurde. Son réalisateur Hiner Saleem se plaît à rappeler : «  On dit que Dieu a créé dix Kurdes et le onzième pour les faire rire ».

Tragi-comédie. Histoire d’amour entre Govendt, jeune insoumise qui brave le machisme de sa fratrie pour partir enseigner à la frontière de l’Iran et de la Turquie, et Baran, ancien combattant chargé de faire respecter la loi dans ce "Far-East" inhospitalier, le film pourrait n’être qu’une bluette. C’est compter sans la grâce des acteurs principaux -  Golshifteh Farahani et Korkmaz Arslan  - et l’écriture ciselée d’Hiner Saleeem. Un réalisateur engagé, sous ses airs (faussement) dégagés. Il admire la force de caractère des femmes au Moyen-Orient, soutient leur combat vers l’émancipation et dénonce la corruption de ces états où les trafics  prolifèrent. Tourné en décors naturels, pour l’essentiel au Kurdistan, My sweet peperland alterne bains de sang et scènes d’une tendresse touchante. Baran écoute Elvis Presley à fond dans sa guimbarde pourrie, Govendt joue du Hang, un instrument à percussions aux sonorités mystiques…  Tels des héros d’un western décalé, ces deux-là s’aiment envers et contre tous. Et déjouent l’adversité et les « saigneurs » locaux,  avec une chance insolente. Alors certes, on est loin de la vraie vie, à part peut-être pour les tombereaux de pluie qui ne donnent pas très envie de passer ses vacances au Kurdistan.  Mais ce serait bête de rater un film aussi réjouissant !