J’aime fixer longtemps le paysage depuis la fenêtre du TGV, puis fermer les yeux et voir défiler comme en surimpression les champs de blé et la campagne. Depuis quelques nuits défilent ainsi derrière mes paupières closes les scènes de la vie des jeunes héroïnes de Mustang. Et ce premier long-métrage de la réalisatrice turque Deniz Gamze Ergüven n’a pas fini de me poursuivre jusque dans mes rêves. Je lui décerne même sans hésiter la palme d’or de mes préférences cinématographiques en 2015. Une distinction qui lui portera au moins autant chance que d’avoir été sélectionné pour la quinzaine des réalisateurs à Cannes. Enfin, j’espère.
Sauvage et indomptable. De la première séquence où une fillette quitte en pleurant son enseignante en ce dernier jour de classe avant les vacances - image moins innocente qu’il n’y paraît dans une Turquie rurale où la scolarisation est un luxe dont on prive facilement les jeunes filles - à la dernière scène, Mustang réussit le tour de force de dénoncer l’oppression des femmes par certains hommes obsédés par la sexualité et d’être un hymne à la pureté de l’adolescence féminine. Le mustang est un cheval sauvage. Pour Deniz Gamze Ergüven il symbolise le tempérament fougueux, indomptable, des jeunes filles turques. Cette énergie porte littéralement un récit où la quête de liberté est une urgence, une question de vie ou de mort. Plus touchantes les unes que les autres, les cinq comédiennes qui interprètent une même fratrie transcendent l’écran.
Dénonciation du conservatisme rampant dont les femmes sont les premières victimes en Turquie et message d’espoir en une jeunesse qui se bat pour son avenir, Mustang est un chef-d’œuvre. Pressez-vous de le découvrir dans les quelques salles où il passe encore - il est sorti le 15 juin, je me réveille tard - pour que ses images enchantent les rêves de vos longues nuits d’été. Eté que je vous souhaite aussi radieux que le sourire de la petite Lale dans Mustang !