11/12/2014

Théâtre. Dans la tête de La Mère

Le temps s'efface. Les frontières entre rêve et réalité deviennent floues et les répétitions se font obsédantes. Selon Marcial di Fonzo Bo, metteur en scène de La Mère, ces constantes de l'écriture de Florian Zeller évoquent l'univers de David Lynch. En effet, comme souvent chez Lynch la mort rode dans le petit monde de cette mère. Son fils et sa fille sont partis, son mari est sur le point de l'abandonner. Nostalgique, elle évoque le paradis perdu du temps où, chaque matin, elle préparait le petit-déjeuner de sa progéniture. Avant, elle se sentait utile. Vingt et quelques années plus tard, elle flotte dans sa vie. Et sombre petit à petit. Portée par la personnalité charismatique de l'immense Catherine Hiegel, la femme blessée se fait violente, âpre. Forte dans sa faiblesse. Et plus adulte finalement que ceux qui l'entourent - le fils, l'époux. Son mari est infidèle, elle le sent, elle le sait, mais elle s'en fout. Comment pourrait-elle se soucier d'être femme, elle qui est mère ?

Douleur universelle. Cérébrale sans être intello, la pièce retrace à la perfection l'obsessionnel monologue d'une quinquagénaire désoeuvrée. Une femme qui ne cesse de se répéter ce qu'elle devrait dire ou faire pour garder à jamais ce fils adoré. Pièce cruelle sur l'amour fou et sans issue d'une mère pour son petit d'homme, La Mère est une oeuvre puissante. Un texte dont la psychologie affutée touche toutes les femmes. Pas besoin d'avoir de fils, ni de grand enfant pour pressentir cette douleur sourde que laisse le départ de l'être aimé.
Toutefois, une question demeure, lorsque le rideau du théâtre Hébertot se baisse sous les applaudissements. Derrière ses airs de charmant dandy, comment Florian Zeller perce t-il ainsi à jour nos angoisses féminines  les plus intimes ? Il faudra que je pense à lui demander, la prochaine fois que je le croiserai du côté de Saint-Germain.
- La Mère de Florian Zeller, avec Catherine Hiegel, Jean-Yves Chatelais, Olivia Bonamy, Eric Caravaca au Théâtre Hébertot 78 bis, boulevard des Batignolles Paris, 17e.