Didier Sandre et Michel Aumont dans Collaboration. Photo Bernard Richebé. |
Il est des histoires d’amitié qui ressemblent à de l’amour. Celle que vécurent Richard Strauss et Stefan Zweig, à l’aube de la montée du nazisme en Allemagne, en est une. Collaboration, pièce de Ronald Harwood - scénariste de Le Pianiste et Le Scaphandre et le Papillon au cinéma - restitue l’irrésistible attirance qu’exercèrent l’un sur l’autre ces deux géants, sur fond de leur création commune d'un opéra bouffe La femme silencieuse, en 1935.
Scènes de la vie artistique. Aussi féconde fut la collaboration entre Strauss et Zweig, aussi profond fut leur différent quant à l’attitude à adopter face au régime hitlérien. Enfermé dans sa fièvre créatrice et prompt à faire abstraction – voire à louvoyer – avec la terreur, le compositeur ne parvint pas à prendre la mesure des tourments de son ami écrivain. Condamné à devenir un Juif errant en fuyant l'Autriche pour le Brésil, Stefan Zweig n’accepta en effet jamais que l’Europe, berceau de la culture et des arts qu’il aimait tant, plonge dans l’obscurantisme. Magnifiquement interprétée par Michel Aumont en Strauss entier – sans être caricatural – faisant face à la sensibilité quasi féminine d’un Didier Sandre - Stefan Zweig tendu comme la corde d’un violon, Collaboration est une pièce musicale et tourmentée. Elégante comme une valse viennoise (de Johann pas Richard Strauss)... J’en suis sortie en ressassant l’éternel questionnement de la condition du créateur sous la dictature. Un beau moment.
- Collaboration, mise en scène Georges Werler, est à l’affiche du théâtre de la Madeleine (Paris 8e) www. theatremadeleine.com