Aux antipodes des faiseurs qui se regardent le nombril, certains acteurs semblent « aspirés » par le rôle qu’ils incarnent. Les voir sur scène, c’est décoller pour un voyage dans leur imaginaire. Laurent Terzieff et Jacques Gamblin sont dans ce don de soi. Ils ont écrit des livres qui leur ressemblent.
Seul avec tous. C’est un florilège de souvenirs, réflexions et expériences de Laurent Terzieff. Une sorte de rêverie éveillée où le comédien pioche dans son existence ce qui nourrit son feu intérieur. Ce petit livre inachevé, Laurent Terziefff disparut avant qu’il soit terminé, donne les clés de son univers. Ecouter ce mystique dire les poèmes de Rilke fut pour moi une expérience unique. Ce soir là, ai-je compris plus tard en lisant Seul avec tous, je fus l’invitée d’un grand comédien. « A la présence vivante de l’acteur répond la présence vivante du public (…) A la fin de la représentation, quelque chose d’incommunicable s’est communiqué et il en reste, comme après une soirée entre amis (…) ce silence lourd fait de toutes sortes de bruissements des choses qui se sont dites » écrit-il.*
Le toucher de la hanche. Jacques Gamblin est un artiste solaire, à l’imagination débridée. Sur scène, son corps élastique - il faut l’avoir observé fondre d’ennui dans une salle d’attente, jusqu’à prendre la forme de son fauteuil -, exprime autant que les mots. Le voir jouer Entre courir et voler y’a qu’un pas papa ou Tout est normal mon cœur scintille (pièces dont il est l'auteur), c’est comprendre ce que cet acteur en apesanteur peut avoir de profond. Le toucher de la hanche est sa deuxième fiction. Drôle et sensible, elle en dit long sur sa façon de voir la vie. Le narrateur, son double, y joue chaque jour son amour conjugal sur un concours de valse. Jusqu’à tout faire valser. La vie, sa femme et le jury avec. Dans une magnifique explosion de gaz. « Et en avant bonbonne ! … Cap sur Canaveral !. (…) Je décolle enfin… Je m’envole… Pour un mambo avec la voix lactée… »*.
* Extraits de Seul avec tous de Laurent Terzieff en collaboration avec Marie-Noëlle Tranchant (Presses de la Renaissance, 2010) et Le toucher de la hanche de Jacques Gamblin (Le Dilettante, 1997).